TUBE A TONNERRE
Le blog de Philippe Sabourdy
Littérature - Photographie - Arts plastiques
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De la confession
« Nous nous dîmes alors, en cette heure décisive, des choses qui ne se disent pas entre vivants. »
Primo Levi, Si c’est un homme
Multiforme et déglingué, état calamiteux
Court-circuiter l’extinction inédite du désir d’aventure
Retaper la face cubiste, défigurée du monde et du jour
Purger les veines de l’humeur noire qui colore les sensations
Tenter d’apaiser la peur qui les aiguise et les rend tranchantes
Dédramatiser l’incendie qui s’est emparé du réseau des nerfs
Ce sentiment de panique permanent étouffé par une pesante plaque d’égout
Se tourner à nouveau vers ce qu’un autre appelait l’azur
Mes emplois du temps ont toujours contenu des plages horaires pour la maladie
Aujourd’hui elle dévore une à une les journées entières
Mon vœu étant que l’écriture, comme elle l’a fait maintes fois auparavant
Rachète en quelque sorte ces moments perdus dans la souffrance
Reste aussi une flaque de colère sur le sol de la caverne
Une écriture moins ancrée dans la chair, plus aérienne
Et qui pourrait participer à l’allègement thérapeutique
Grande sécheresse dans la pensée, aucune larme versée
Vivifiante, mentholée et acérée mais dans la douleur uniquement
Ce qui est si haut doit redescendre et presque toucher terre
C’est ici que doit intervenir le fond de colère, contrecarrer la faiblesse maladive
Le mal est rattaché à un certain usage de la confidence, de la confession
Nous ne devons plus utiliser la parole à de telles fins destructrices
Précarité terrestre
Un fil appartenant à une toile d’araignée
Un fil si fin se courbe et se rompt
Quelqu’un souffle sur le centre d’une fleur
Une poussière noire se répand alors
Dans cette alcôve mystérieuse
Le jeu de la mémoire et du mensonge
Insuffle la puissance nécessaire
Pour évoluer sur les crêtes
A la proue du monde à vif
Ecorchure immémoriale
De laquelle nous nous sommes écartés
Un jour sans nous en rendre compte
Maintenant c’est le givre qui couvre le réel
Pellicule sur laquelle glisse la pensée malade
La pensée des devins et des sorciers
Froid saisissant rivé à la peur
Nous sommes exposés à tous les dangers
Dehors comme dedans
Nous n’avons pas encore trouvé
Quelle place accorder à l’écriture dans la vie
Nous n’avons pas encore pesé
Son importance ni compris sa fonction
On ne parvient pas à inscrire dans la mémoire
Le lieu de l’apparition de la poésie
Une fois les mots délaissés on oublie l’expérience
Je ne connais rien de plus précaire
Que ce genre d’écrits
À nouveau deux poèmes inédits
Le train rapide passe à proximité
D’une maison construite au tournant des Lumières
Les masses grises et blanches des nuages avancent lentement
Les prairies sont boisées sur les bords des ruisseaux qui les traversent
Il n’y a là aucune nécessité
Comme le remarquait déjà Hegel lors de son voyage dans les Alpes
Tentacules rigides ou bois de cervidés
Symboles d’un passé récent et douloureux
Mais aussi les montres molles de Dali
Symboles des nœuds défaits de l’existence
Sans nul doute le plus long des cauchemars
Un passé si proche qu’il nous lèche la plante des pieds
Comme l’écume de la mer sur le sable du rivage
Trois poèmes inédits
Le bureau sur lequel est posé l’ordinateur portable
Qui me sert à écrire mes poèmes
Se trouve face à la fenêtre de la chambre
Il me suffit de lever la tête pour distinguer
Un toit de tôle avec ses cheminées en forme de T
Un mur de briques rouges, roses et brunes percé de trois ouvertures étroites
Et coiffé, lui, d’une rangée de petites cheminées cylindriques lie-de-vin
Une façade récemment ravalée dont les balcons et les terrasses
Comportent de grands bacs dans lesquels sont plantés divers arbustes
Le soleil d’hiver vient oindre de lumière ce coin de paysage urbain
Des fragments de soi peu vertueux, de l’électricité qui court sous l’épiderme
Un pernicieux mélange d’humeurs, une bobine brûlante juste derrière le front
Le réel récalcitrant comme une rosse terrifiée, un texte malsain gravé dans la chair
Une tension permanente, des milliers de mains fébriles repoussant un mauvais rêve
La maladie nerveuse sciant les ossements de métal dans le tintamarre et les escarbilles
Vivre, mais rageusement, sans comprendre pourquoi le brouillard triomphe toujours
Il serre de toutes ses forces la tige de la rose
Et le rouge des pétales
Commence à s’écouler lentement
Du poing fermé jusqu’au sol
Cet instant m’appartient
Solitude – reflet dans le miroir de la langue
Frémissante dentelle de mots
L’horizon vacille et l’océan hurle
En s’écrasant contre les rochers
L’enfant s’agenouille et prononce une prière
La vie la mort – la tenture de la nuit
Vient effacer les commandements
Stockholm
Les loups
C’est une nuit déjà bien avancée sur la lande proche de l’océan glacé
Au milieu du terrain que nous envisagerons
Se trouve une bicoque délabrée et lugubre au toit de tôle
Il semble qu’elle doive être habitée par une femme (ce point est important)
Elle est au centre d’une aire circulaire, d’une horloge sans aiguille
Dont chaque heure est matérialisée par un loup
En effet, à un jet de galet de la baraque, les loups forment un cercle
Il y a le loup de minuit, le loup d’une heure, celui de deux heures et ainsi de suite
Nous plaçons l’objectif de l’appareil très haut à la verticale de l’habitation
Et, sur le cliché ainsi obtenu, nous apposons une trace de peinture rouge
Entre chaque loup avec un pinceau très fin
L’imperfection
Il avait le désir de dessiner des figures géométriques en trois dimensions
Auxquelles il aurait soigneusement ôté un morceau
Par exemple le coin d’un parallélépipède aurait été rogné ou tranché
De même pour la partie manquante d’un cylindre
Ou l’une des cinq pointes brisée d’une pyramide
Ce travail de dessinateur aurait eu pour but de montrer
Qu’aucun objet n’est parfait et qu’il manquera à jamais quelque chose
A chacun d’entre nous dans son moi le plus profond
L'indéfini
(Poésie)
Texte inédit
Je suis mortel
Que je dorme morbleu
La jeunesse a fui
Adieu morveux
Sors et suis les ombres
Qui mordent
Les fruits suiffeux et mordorés
Puis jeûnent
Sous les ailes des ormes moroses
Entre le lait et la suie
J’attends la suite
Que l’huis s’ouvre
Sur un jour
Moins morne moins laid
L’or du monde est en jeu
C’est alors
Que ta course s’achève
Tire sur le mors et dors
Je suis mortel
La bombe
A la bibliothèque de l’Hôtel de Ville
Assis sur une grande chaise de bois et de cuir noir
Il lit Désert de Le Clézio
Lenteur et concentration
Au dessus de sa tête le soleil frappe la verrière
Il se lève et va consulter un dictionnaire
Puis il revient à sa place dans la hâte de reprendre sa lecture
Soudain dans une pluie d’éclats de verre
Une bombe passe à travers le plafond
Et tombe sur l’allée centrale en défonçant le plancher
Mais sans exploser
Gaz à tous les étages
Des mots tels que maison d’arrêt et lesbienne
Affalé en soi-même
Farine et vanités
Graffitis mastiquant l’échec Etourdi de douleur
Chancelant, affaissé, démoli
Aucun passage, aucune issue
Tout sonne faux, ce sont de mauvais comédiens
Lamentations, misère, serpillière
Complet parce qu’anéanti
Trognon d’homme et marée noire
Dos à la mort
Un Elvis en pâte d’amande
C’est très fleuri, fleurs et fruits
La porte de Charenton sous la pluie
S’autoriser à ne rien faire du tout
Lumière et images sont interférences
Artiste amateur, seulement amateur
Pleurer pendant mille ans
Phare de l’amour maternel
Le père et le sport
Ecrit fruité, pulpe des mots
Le reste je le garde pour moi
Deux poèmes
Amorce – le sillage de la légère embarcation
Découpe le fleuve en deux rubans d’eau verte
Une fois sur l’île nous entrons
Dans une maison laissée à l’abandon
Ce qui fut autrefois au-dedans :
Un confortable salon des chambres chaleureuses
Est maintenant au dehors
La bâtisse n’est pas encore en ruine
Elle expose un plancher pourri
Et du papier peint déchiré sur les murs
Parfum obscène de la mort
J’ai essayé de le retenir
Je l’ai mis en garde contre les risques qu’il encourait
A vouloir prolonger l’enfance indéfiniment
Mais il n’avait à la bouche que des paroles délétères
Où se mêlait la haine de soi
Et l’orgueil éraillé que donne la souffrance
Alors sa frêle embarcation s’est éloignée sur le canal
Et il a disparu dans les ténèbres
Notre article intitulé : "L'expérience du mal : condition de la justice ?" se trouve page 136 de cet ouvrage. Cliquez sur la couverture pour le commander.
Musique(Poésie) Texte inédit
Extrait de Flaque de plomb
Les fondations fragiles
Sur lesquelles nous tenons debout dans la vie
Ont été sapées par un lot de pensées morbides
Dès lors nous sommes tombés dans une geôle
Etroite et obscure qui empêchait
Toute liberté de mouvement
Nous sommes donc restés allongés sur le lit
Dans la position du gisant trois jours entiers
A nous demander comment la plupart de nos semblables
Faisaient pour ne pas chuter en rencontrant l’adversité
Nous n’avons aucune force
Nous sommes privés de colonne vertébrale
Notre peur pulvérise notre structure
Nous sommes confrontés à de nombreux empêchements
Il n’y a aucune continuité
Dans la succession de nos journées
Elles sont simplement juxtaposées
Avec leurs souffrances et leurs échecs
Nous avons découvert un grand nombre de solutions
Au cours des années passées
Mais elles se sont toutes révélées provisoires
Nous permettant de tenir debout contre le vent puissant
De l’adversité une ou deux semaines mais guère plus
Et nous nous demandions aussi quelle était la cause
De cette malédiction : quatre années de folie de délire
Et de douleur insondable
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Flaque de plomb, 2018
Crime d’une brutalité inouïe
Commis par la pensée affûtée
L’écho s’amplifie au lieu de décroître
Le père
Sa tête coupée sanguinolente
Est la boule qui renverse toutes les quilles
Rompant ainsi l’équilibre dans les arcanes de l’esprit
Il faut alors patiemment remettre les quilles debout
Mais à un endroit différent pour chacune
Ce chantier vient à peine de commencer
Pour rejoindre le site de l'artiste martiniquais Alex Burke, cliquez sur l'image
Paysage urbain
Ne pas chercher l’harmonie
Mais contempler chaque immeuble
Apprécier son architecture
Voir comment il s’agence ou contraste avec les autres
Diverses toilettes masculines ou féminines
Ne pas chercher l’harmonie
Mais observer chaque personnage
Et se concentrer sur les détails des vêtements
Cette chose n’est pas une mais multiple
Ne pas chercher à simplifier
Cette chose paraît limpide mais elle est nébuleuse
Croissance exponentielle des points de vue
A l’intérieur
Désir agressivité angoisse sentiments ambivalents
Pulsions diverses conflits sans fin bras de fer frénétique
Moments d’euphorie souffrance tensions
Mille et une nuances
Après avoir présenté les photographies voici les dessins
Scribe malade souffrances exposées bien en vue
Dès lors morsure de la culpabilité lui pêcheur
Pour transmission du mal par son métier sa passion
Stylet scalpel jaillissement du sang noir l’encre
Eclabousse l’hypothétique lecteur et le ronge acide
Scribe en réalité cruel expérimentation de l’agressivité
Laisse libre cours à son vice aucune censure jamais
Inconscient est usage de la brutalité avec l’autre
Inconscient pestant contre finitude et maigres moyens
Grincement de dents tout est corvée chers proches
Vous frôlez l’épiderme vous injectez du soufre
Il sent très forte odeur de haine tension de la colère
Pour conscience le moi loin de se présenter ainsi
Retour aux remords le pêché l’écriture elle-même
Contaminer l’humanité crainte ambitieuse et absurde
Et démentie par de nombreux faits hier encore
Mais violence retournée contre soi forme un pli
A déplier car aucun danger aucune punition
Scribe activité compétences socialement reconnues
Devrait voir ses affres s’apaiser et disparaître
Je décris l’expérience de l’écriture telle que je l’ai vécue :
Au sein d’une profonde et dense nuit sans lune
Une lampe éclaire une image qui est l’objet du désir
Les yeux et les mains de l’esprit fondent sur lui
Alors l’objet est tracté vers le jour mais au moment
De la traversée il disparaît il s’abîme dans le néant
Lors d’une séance de psychanalyse on peut observer
Quelque chose de similaire : l’analysant parle
Et soudain il se tait le lien qui l’attachait à l’objet
Disparaît et il traverse alors une mer de nuages
Trois années
(Récit poétique)
Je suis un mage noir depuis des dizaines d’années
Mon âme est recouverte d’un solide tissu noir
Mon cœur fait circuler du pétrole dans mes veines
J’ai du goudron fluide dans la bouche en guise de salive
Comme Georges Bataille je ne suis pas fréquentable
J’incarne tout ce qui fait horreur à mes semblables
Je suis un vampire inoffensif car ma maladie
N’est contagieuse ni par la parole ni par les écrits
Comme Marylin Manson j’ai une place dans le monde
Et je revendique le droit d’être porteur du pire
Sans honte sans culpabilité et sans paranoïa
J’aime ce pays j’aime ce peuple j’aime cette famille
Une histoire qui remonte à la nuit des temps
Et qui apparaît dans les légendes de l’humanité
Nous nous sommes par exemple recueillis dans les ruines
De la synagogue de Gamla sur le plateau du Golan
Qui date de l’époque hérodienne
(Le Temple n’avait pas été détruit)
Et qui comporte un mikvé comme à Massada
Une richesse culturelle sans équivalent
A laquelle ont contribué les membres de la diaspora
Traditions sépharades et traditions ashkénazes
D’une part l’Afrique du nord
Et d’une autre l’Europe centrale
Avec une langue tout à fait à part et qu’il faut protéger
Le Yiddish pour ne pas qu’elle subisse le sort
Des patois français dont la plupart sont perdus
On peut faire confiance aux habitants de ce pays
Pour préserver tous les trésors culturels de son peuple
Mais nous qui vivons quelque peu à l’écart
Si nous avons la possibilité de coopérer
A cette préservation par un quelconque petit talent
Nous devons le faire alors oui encore et toujours
J’aime la Ville blanche de Tel Aviv
Dont les immeubles sont inspirés par le Bauhaus
J’ai déposé un vœu écrit dans une pierre
Du Mur des Lamentations de Jérusalem
(Je demandais un enfant pour Karine)
Je suis allé au port de Haïfa et j’ai vu les jardins Baha’i
J’ai flâné à Netanya dans des quartiers
Qui constituent une petite France
J’ai goûté le soleil qui vient se briser sur ces villes
Les constellant d’éclats lumineux
Qui agissent comme des petits miroirs
Tournés vers l’au-delà et qui nous transmettent
Ce message : rien n’est plus important que la mémoire
La libido tout entière inhibée
Le sujet jeté dans la géhenne
Tension dans les muscles et dans la tête
L’écrivain ne pouvait plus écrire
Nous cherchions où allait se déverser le désir
Dans lecture de Freud non cela a échoué
Dans la composition de dessins
Nous avons essayé et cela a échoué
C’est un écrasement du désir et de la pulsion de vie
Nous tentons alors de rallumer les flambeaux de l’écriture
L’angoisse est comme un félin prêt à bondir
Si tu renonces à écrire tu es pour elle une proie facile
Les nuages sont bas et gorgés de pluie
Avance place-toi dans la lumière
Et ne laisse transparaître aucune émotion
Tu pourrais écrire des livres entiers sur les rayons du soleil
Et sur le noir de la nuit sans lune
« Nord » est un mot qui transperce vos entrailles
Pense à des pierres levées pense au site de Stonehenge
Je suis certain que nous nous battons encore aujourd’hui
Contre les ténèbres qui précédèrent la Création
Crispé les nerfs mis en charpie
Le blanc des yeux devient noir et la pupille jaune
Les démons ont toujours été parmi nous
Avec leurs pattes crochues et leur langue de serpent
L’enfer est ici-bas l’enfer est en nous
Nous ressemblons à notre planète
Comme pour elle le feu central n’est pas éteint
Il s’agit d’un combat contre les forces de l’origine
La pulsion de mort en fait partie
Elles ligotent le désir et l’empêchent de trouver sa voie
Deux jours sans écrire et je suis dans un état pitoyable
Bras douloureux impatiences dans les jambes
Alarme permanente sous le crâne
Comme la rue qui hurlait ce jour-là autour de Baudelaire
Quatre poèmes
Tu ne peux errer bien longtemps
Loin de cet oasis
Tu y reviens toujours
Tu te penches
Tu scrutes ton reflet
Pour voir si le malaise a laissé
Des traces lisibles sur ton visage
Puis les paumes juxtaposées
Tu prends de l’eau
Et tu te mouilles la face
Pour savoir si ta lucidité
S’est accrue
Poésie traînée de poudre
Sur la sente que nous empruntons
Parmi les pensées
Mais aussi trace suivie à travers ce monde
Que nous ne comprenons pas
Et qui distille de l’anxiété continument
Sueur de l’âme essoufflée
Après avoir tenté d’échapper au pire
Salive de l’auteur timide
Lisant son texte à haute voix
Travaux forcés tiraillements
Joug insupportable
Joie écartée et passée à tabac
Esclave maltraité
Atmosphère lourde et âcre
Le pire rougeoyant dans l’âtre
On nous oblige
A planter notre regard dedans
Il n’y a plus que souffrance
Les tympans sont violentés
Par l’alarme stridente
Qui s’est déclenchée
Dès les premiers instants
Les cils du haut
Rejoignent les cils du bas
C’est sur cette ligne
Partageant l’œil en deux
Que le sommeil paraît
Nous permettant
De quitter le monde
Invitation à l’onirisme
Domaine sans peur
Mais non sans jouissance
Renoncement (Poésie)
Trois poèmes
Pour pouvoir écouter de la musique
Il faut que la maladie se taise
Vous êtes alors à la fois exalté
Et ancré dans le réel
Casque sur les oreilles
Tant il est vrai que l’angoisse
Défigure notre monde
Lorsqu’on détruit de vieux immeubles
Pour en construire de nouveaux
Le mur qui jouxte le bâtiment voisin
Reste en place et expose
Le papier peint qui décorait
Des pièces de l’immeuble rasé
Le dedans et le dehors se télescopent
L’intimité est brutalement révélée
Et apporte avec elle la pensée de la mort
Le cœur se gonfle
Et éclate en un millier de morceaux
Je m’enivre du parfum
De la pluie sur le bitume
Deux vagues de l’océan
Forment une Torah liquide et salée
Arroser les plantes dans un cimetière
Pour désaltérer les morts
Bouquet (Poésie)
Framboises mures myrtilles fraises des bois
Les baies sauvages sont de petits trésors
Dans la nature des pierres précieuses comestibles
Le train rapide passe sous la Manche
Et nous conduit à Londres
Arrivés vers dix heures nous prenons
Un petit déjeuner typique
Saucisse haricots à la sauce tomate toasts et café noir
L’Allier passe ici près des orgues basaltiques
Nous nous baignons à cet endroit l’été
L’eau est profonde nous pouvons plonger des rochers
Les colonnes de l’Assemblée nationale font écho
Aux colonnes de l’église de la Madeleine
Qui se trouve de l’autre côté du fleuve
Au musée du Caire on peut admirer
Toutes les merveilles que renfermait
Le tombeau de Toutankhamon et en particulier
Ce masque funéraire extraordinaire
Qui reste gravé dans la mémoire
A Noisy-le-Grand le Monument du Ballon
Rend hommage aux cinq victimes
D’un accident de montgolfière en 1913
Nous étions des scouts marins
Pendant l’année scolaire nous réparions et repeignions
Nos bateaux une fois le travail terminé
Les embarcations étaient acheminées en Normandie
Le camp d’été était partiellement consacré à la voile
Quand le bateau gîtait c’était exaltant
Mais nous avions peur qu’il se renverse
Mes parents étant partis en Auvergne
J’organisai une petite fête chez moi
Laurent avait un plan pour me procurer du shit
Nous avions rendez-vous avec notre homme
Qui arriva sur une moto volée
Il me vendit une marchandise de bonne qualité
Le jour de la fête patronale on organise un grand méchoui
Deux moutons empalés sur des broches de métal
Cuisent au dessus de profondes tranchées
Où se trouvent des braises rougeoyantes
Les villageoises préparent des tartes aux fruits
Qui sont placées dans le four banal
Pour mon premier jour à Los Angeles
Je me suis réveillé très tôt et je suis allé prendre un café
Dans la boutique Starbucks qui se trouvait près de l’hôtel
Un agent de police était debout non loin de moi
Je n’avais jamais vu un uniforme aussi impeccable
Et une coiffure aussi soignée
J’ai acheté une boisson énergétique
Et je suis sorti pour la déguster assis sur le muret
Près de l’entrée de l’hôtel
The Cribs est un groupe de rock
Constitué des trois frères Jarman
Je possède tous leurs albums ils sont réellement doués
Aucun morceau ne m’a déçu
Ils ont forgé une œuvre importante un style singulier
L’école de ma fille avec à l’entrée le drapeau tricolore
La devise de la république le symbole de la ville de Paris
La plaque en hommage aux enfants déportés
Et les parents d’élèves qui attendent la sonnerie
Ce lieu est encore pour moi particulièrement anxiogène
Ces étonnantes photos où l’on voit
La Tour Eiffel en construction la base puis le pylône
Et cette polémique alimentée
Par des écrivains et des artistes qui s’opposaient
A l’audacieux projet de l’ingénieur
Quand je donnais un cours dans le 14e arrondissement
Près de la Porte d’Orléans j’en profitais
Pour visiter le quartier et je passais à chaque fois
Devant un immeuble où avait vécu Lénine
Avant la Révolution d’Octobre
Extrait du recueil publié en 2019
Les îlots de longue errance
L’adolescence
Flèches des cathédrales reçues en plein cœur
Exaltation métaphysique
Métaux découpés sous une pluie d’escarbilles
Eau du geyser essayant de toucher le ciel
La respiration s’accélère
Passager d’une automobile lancée à pleine vitesse
Nous emportant loin des cisailles et des pensées morbides
La destination du véhicule demeure inconnue
Il soulève la poussière de la piste
Qui constitue ensuite son sillage
Le conducteur a placé une cassette
Dans la fente prévue à cet effet
Et l’on écoute le titre « 1979 » des Smashing Pumpkins
Tremblement à l’horizon notre avenir reste flou
Qu’y aura-t-il après cette adolescence sauvage
Comment poursuivre le rêve
Pour l’instant laissons-nous porter
Par la musique et le bruit du moteur
Extrait du recueil publié en 2020
Pupille noire du soleil
Crissements grésillements brouillages divers
Le poète frileux dans le creux du doute et de la perplexité
Malaise indéfinissable qui fait partie
Des mille visages de la maladie
Quelque part en moi je saisis le mot liberté
Et je me mets à méditer
Constatant que ce terme représente un idéal inaccessible
Qui se situe aux antipodes
De mon expérience de l’existence
Ici je ne commande ni ne dirige rien
Je suis soumis et guidé comme une marionnette
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